Le Régiment de Carignan-Salières: piliers de l’histoire canadienne

« Ceux-cy nous ont toujours fait la guerre, quoy qu’ils ayent quelquefois fait semblant de demander la paix » Journal des jésuites, chapitre 5: Du païs des Iroquois et des chemins qui y conduisent, An 1665.

Aujourd’hui, j’aimerais vous partager un texte que j’ai rédigé l’an dernier avec l’historien Laurent Turcot pour sa chaîne Youtube L’histoire nous le Dira, une chaîne dédiée à la vulgarisation de l’histoire qui a récemment reçue le prestigieux prix du public pour le Prix Youtuber Histoire dans le cadre du salon Histoire de Lire – Versailles et que je vous incite fortement à visiter! Je joins également ici la vidéo, pour que vous puissiez apprécier les deux versions de cette capsule sur un événement fondateur de notre histoire:

Créée il y a tout juste un an, la chaîne l’Histoire nous le Dira rassemble aujourd’hui près de 60 000 abonnés!

Le régiment de Carignan-Salières: ce nom vous dit probablement quelque chose. On dit que plus d’un million de Canadiens et Canadiennes descendraient aujourd’hui de ces soldats venus défendre la Nouvelle-France (1), dont un Québécois sur 10.

Plusieurs municipalités portent encore le nom de leurs officiers, comme Longueuil, Berthier, Verchères, et Chambly, par exemple (2). Des forts militaires construits de leurs mains sont aujourd’hui des centres d’interprétation historique reconnus. Nombreux sont ceux qui considèrent ces soldats comme les piliers de notre histoire (3).

Mais qui sont ces hommes qui ont marqué si durablement le paysage québécois? En quoi leurs actions ont-elles été si déterminantes et que sont-ils venus faire ici, exactement? Il faut retourner 350 ans en arrière pour le comprendre.

Des armes pour la paix, des bras pour la colonisation

Le 19 juin 1665 (4), les premières compagnies de soldats du Régiment de Carignan-Salières débarquent à Québec. L’événement a de quoi impressionner: près de 1 500 hommes en uniforme, marchant au rythme du tambour sous le claquement des énormes drapeaux régimentaires, arrivent dans une colonie qui comporte à peine 3 000 âmes. C’est Louis XIV, le Roi-Soleil, qui envoie ces troupes réglées au Canada pour soumettre ses ennemis à sa volonté.

On sent bien que quelque chose d’important se passe dans la colonie. Mais quoi?

C’est la guerre! Vers 1650, les incursions des Iroquois en Nouvelle-France sont de plus en plus fréquentes et violentes, notamment les Agniers, une des nations iroquoises les plus rapprochées (5).

Ils en ont gros sur le cœur contre les Français, qui sont en train de s’accaparer tout le marché de la traite des fourrure avec leurs alliés, les Hurons. L’objet de toutes les convoitises est alors la fourrure de castor, réputée excellente.

La ruée vers le castor

Le castor existe déjà en Europe, mais la ressource s’épuise dangereusement au 16e siècle (6). On découvrira ensuite qu’au Canada, elle est surabondante. « Jackpot« .

Ça tombe à pic, car le commerce des chapeaux en feutre de castor explose littéralement à la même époque. Léger, imperméable, indéchirable, gardant sa couleur au soleil, le feutre de castor devient un objet de luxe très recherché (7).

Dès leur arrivée en Nouvelle-France, les Français vont donc se lancer tête baissée dans ce commerce. Ils achètent leurs fourrures des Hurons, qui s’approvisionnent dans la région des grands lacs: la zone où la ressources est la plus abondante. Jusqu’ici, tout va bien.

Toutefois, vers 1650, le vent tourne. La population des Hurons se met à chuter drastiquement, notamment à cause des maladies transmises par les Européens qui déciment leur population: ce qu’on va appeler plus tard le « choc microbien ». Les Français doivent donc aller chercher la ressource eux-mêmes plus profondément dans le continent.

Montréal est fondée en 1642 entre autres pour servir ces ambitions. Les Iroquois n’apprécient pas du tout la progression des Français le long du Saint-Laurent et décident de harceler la colonie.

Un jour de 1652, une patrouille de trois indigènes bondit des buissons et attaque Martine Messier, une habitante de Montréal venue travailler la terre. À peine est-elle sortie de la ville qu’elle est battue à coups de tomahawk. Un des iroquois veut scalper la malheureuse, mais celle-ci évite la mort de peu en empoignant fermement son assaillant à « un endroit que la pudeur nous défend de nommer » (8), sauvant sa vie du même coup.

L’instinct de conservation est vif chez tout individu!

Des soldats à la dernière mode européenne

Toujours est-il qu’il faut faire quelque chose. On envoie alors Pierre Boucher, le gouverneur de Trois-Rivières, en 1661 demander l’aide du jeune Louis XIV, qui ne fera pas dans la demi-mesure pour punir ceux qui s’attaquent au domaine du Roi.

Qui sont ces soldats et à quoi ressemblent-ils?

La présence d’un régiment entier de soldats professionnels est du jamais-vu, en Nouvelle-France à l’époque. Leur éclat tranche net avec les manières rudes de la colonie.

Leur uniforme est inspiré de la dernière mode européenne: Par dessus la culotte et la veste de laine, ils portent un manteau ample qui leur descend jusqu’aux genoux: le justaucorps. Un large chapeau complète l’ensemble. Le régiment de Carignan-Salières est d’ailleurs un des premiers en Europe à imposer le même habit à tout le régiment.

L’équipement est particulièrement moderne. En plus de l’épée et des charges de poudre noires portées en bandouillère, 30% du régiment est équipé du fameux fusil à pierre, une arme révolutionnaire à l’époque. Contrairement au mousquet, qui fonctionne grâce à une mèche dont l’entretien cause beaucoup de complications, le fusil à pierre est mis à feu grâce à une pierre de silex et nécessite peu d’entretien.

Ces hommes viennent de très loin: aussitôt choisi pour cette mission, le régiment va traverser a France à pied pendant trois semaines (9). Les hommes sont ensuite convoyés dans sept navires qui arriveront à Québec de juin à septembre 1665 (10).

Si l’arrivée de ces troupes inspire confiance et rehausse le moral de la colonie, on se rend vite compte qu’elles sont mal préparées à affronter le climat rigoureux.

On se le demande: comment arriverons-t-ils, dans ces lourds habits, à briser un ennemi léger et rapide, qui connait parfaitement la région? Ces Européens survivront-ils à la rudesse du pays?

Officier du Régiment de Carignan-Salières, 1666. Original par Lucien Rousselot en 1931. Robert Rosewarne. BAC, MIKAN 2837773, 2896020,

Officier du Régiment de Carignan-Salières, 1666. Original par Lucien Rousselot en 1931. Robert Rosewarne. BAC, MIKAN 2837773, 2896020, http://collectionscanada.gc.ca/pam_archives/index.php?fuseaction=genitem.displayItem&rec_nbr=2896020&lang=eng&rec_nbr_list=2896020,2837773

Remuer ciel et terre: une démonstration de force musclée

Les officiers du Régiment de Carignan-Salières ne laisseront pas aux habitants le temps de se poser la question très longtemps. Aussitôt arrivés, les hommes se mettent à construire des forts le long de la rivière Richelieu pour verrouiller la route d’invasion des Iroquois. Dès l’automne, les forts Saint-Louis, Richelieu et Sainte-Thérése sont érigés (11).

Un plan téméraire est ensuite organisé pour attaquer l’ennemi au cœur de leur propre territoire… en plein hiver (12)!

Pour agrandir le document, cliquer ici

En janvier 1666, environ 600 soldats du régiment et 70 Canadiens envahissent le pays Mohawk. Quelques Iroquois tombe dans l’embuscade, mais au final l’expédition échoue car la troupe a du mal à trouver son chemin dans ce monde sans route, où les bons guides constituent l’unique façon de s’orienter.

En septembre, une autre expédition est envoyée. Cette fois, les soldats accomplissent leur mission. Ils font irruption dans les villages Iroquois et les détruisent. La victoire est totale… ou presque! Car les Iroquois, préférant éviter le combat, ont fui leurs villages, qui étaient donc vides quand les Français y sont arrivés.

Que penser de ces expéditions? Si aucun combat n’a réellement eu lieu, les Iroquois ont été impressionnés par cette démonstration de force musclée, assez du moins pour signer une paix avec la France l’année suivante, en 1667 (13).

Un héritage durable

Que retenir du passage de ces hommes? Premièrement, leur venue marque une rupture nette dans la gestion de la colonie: depuis 1663, celle-ci est sous la gouverne directe du roi de France, et non plus entre les mains de compagnies marchandes comme celle des Cent-Associés. Québec prend une toute nouvelle place dans l’administration royale, dont une des premières manifestation est l’envoi des troupe du Carignan-Salières.

Ces soldats vont également servir aux projets de colonisation du Canada encouragés par le Roi. Une fois le pays pacifié, la Couronne va fortement inciter les soldats à s’établir au Canada en leur offrant des terres. Cette proposition généreuse va convaincre environ 400 soldats à rester (14). De ce nombre, 283 se marieront et auront une descendance, dont plusieurs avec des filles du Roy (15).

La région où les seigneuries concédées aux officiers du régiment sont le plus concentrées se situe à l’embouchure de la rivière Richelieu sur le fleuve Saint-Laurent: Berthier, Lanoraie, Lavaltrie, Sorel, Contrecoeur et Verchères, par exemple, portent toujours les noms de ces officiers (16).

Leur passage va également permettre à d’autres colons de s’installer dans les zones nouvellement sécurisées, notamment le long de la rivière Richelieu, mais aussi d’étendre la colonisation au bas du fleuve et en Gaspésie. Cette paix nouvelle va également inaugurer une période de prospérité durable.

Carte Carignan-Salieres

En vert, les seigneuries datant d’avant le passage du régiment de Carignan-Salières. En rouge, les seigneuries accordés aux militaires après leur passage. En jaune, les seigneuries accordées après leur passage. Radio-Canada: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/738872/regiment-carignan-salieres-soldats-350e-anniversaire-arrivee

Finalement, l’expérience et les connaissances militaires de ces soldats seront mises à profit dans la formation d’une nouvelle milice canadienne, destinée à protéger la colonie des menaces futures.

Pour servir ces ambitions, les règles relatives aux armes seront plus flexibles dans la colonie que dans la mère patrie: En France, le droit de chasse est étroitement réglementé, réservé aux classes supérieures. Dans la colonie, la hiérarchie se trouve inversée. Les autorités favorisent la circulation des armes à feu, émettent même des ordonnances pour obliger chaque habitant à s’en procurer et la chasse est largement répandue.

Au final, ce n’est qu’après le passage des soldats du régiment de Carignan-Salières que les Français prennent totalement le contrôle de la vallée laurentienne.

Il faudra attendre 1690 pour qu’une autre menace pèse sur la Nouvelle-France, cette fois venant d’un ennemi que la France ne connait que trop bien: les Anglais.

Mais ça, c’est une autre histoire…

Samuel Venière

Historien consultant

  1. L’histoire du Québec: le régiment de Carignan-Salières, Capsule éducatives, https://www.youtube.com/watch?v=MeMQ4VY_QE8
  2. Ibid.
  3. Désignation de l’arrivée du régiment de Carignan-Salières en Nouvelle-France comme événement historique, Culture et communications Québec, Gouvernement du Québec, https://www.mcc.gouv.qc.ca/index.php?id=2328&no_cache=1&tx_ttnews%5Btt_news%5D=7207&cHash=83ecd704525bbdee4655a3fb7db8c8de
  4. Arrivée du régiment de Carignan-Salières en Nouvelle-France, Culture et Communications Québec, Gouvernement du Québec, http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=26633&type=pge#.WtpFuS7wbIU
  5. [Les Six-Nations iroquoises sont composées, d’ouest en est des Tuscaroras, les Sénécas (Tsonnontouans), les Cayugas (Goyogoins), les Onondagas (Onontagués), les Onéidas (Onnéiouts) et les Agniers (Mohawks).
  6. Scénario:Visite guidée Lys et Lion, Les Services historiques les Six-Associés, Marie-Ève Ouellette, Ph D. Historienne et Benoît Bourdages.
  7. Ibid.
  8. François Dollier de Casson, Histoire de Montréal, dans Mémoire de la Société historique de Montréal, Montréal, 1868, p. 84, tiré de La vie libertine en Nouvelle-France de Robert-Lionel Séguin, Septentrion 2017 (première édition 1972), p. 17.
  9. Arrivée du régiment de Carignan-Salières en Nouvelle-France, Culture et Communications Québec, Gouvernement du Québec, http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=26633&type=pge#.WtpFuS7wbIU
  10. Ibid.
  11. Arrivée du régiment de Carignan-Salières en Nouvelle-France, Culture et Communications Québec, Gouvernement du Québec, http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=26633&type=pge#.WtpFuS7wbIU
  12. Carignan-Salières, régiment de, Encyclopédie canadienne en Ligne, http://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/carignan-salieres-regiment-de/
  13. Ibid.
  14. Ibid.
  15. Arrivée du régiment de Carignan-Salières en Nouvelle-France, Culture et Communications Québec, Gouvernement du Québec, http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=26633&type=pge#.WtpFuS7wbIU
  16. Descendants du régiment Carignan-Salières, garde à vous! , Ici Radio-Canada, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/738872/regiment-carignan-salieres-soldats-350e-anniversaire-arrivee

Les troupes de la Marine: une première armée canadienne

intéiiur du port de marseille, vernet. 1

Soldat des compagnies franches de la Marine. Détail du Port de Marseille, par Joseph Vernet, 1754.

Il fallait bien n’avoir rien à perdre, ou au contraire quelque chose à fuir, pour s’engager dans un métier qui promettait de vous expédier le plus loin possible de votre foyer familial que l’étendue de l’empire français le permettait autrefois.

Dans sa forme la plus aboutie, les compagnies franches de la Marine sont une force militaire destinée à la défense des colonies, aux 17e et 18e siècles. Créée par le ministre Colbert sous Louis XIV, ces troupes servirent d’abord à la défense des navires mais furent rapidement utilisées comme troupes terrestres, notamment en Amérique du Nord pendant la Guerre de Sept Ans (1756-1763), où leur équipement et leurs tactiques militaires témoignent d’une adaptation tout à fait particulière. En s’enracinant au Canada, ces soldats vont marquer la société dans laquelle ils évoluent pour former, à bien des égards, la première armée canadienne permanente.

À ère nouvelle, besoins nouveaux: une armée distincte

d4fb87342ace4b8dfd51e37cf2a35e88

Fusilier des compagnies franches de la Marine, vers 1755. Illustration d’Eugene Lelièpvre

Deux choses distinguent ce corps militaire de l’armée régulière: le contexte de ses origines et son organisation. Dans la France de l’Ancien Régime, l’armée régulière dépend du ministère de la Guerre, alors que les conflits se déroulent essentiellement sur le sol européen. La croissance des empires coloniaux au 17e siècle fait toutefois éclater les frontières des opérations militaires en portant la guerre sur d’autres continents. En 1668, l’administration de la Nouvelle-France passe sous le contrôle du ministère de la Marine. La défense des colonies repose alors surtout sur la force de sa milice locale, c’est-à-dire sur les capacités martiales de leurs propres habitants. Si la milice canadienne s’avère efficace à de nombreuses reprises, cette force légère demeure insuffisante pour tenir tête à une invasion organisée. Une présence militaire permanente devient nécessaire.

Les origines

Les origines des compagnies franches de la marine demeurent difficiles à cerner, du fait des mutations fréquentes dans leur administration et des transferts réguliers de leurs effectifs dans les troupes de terre, dégarnissant le service. Simplifions en soulignant qu’en 1622, le Cardinal Richelieu créé les Compagnies ordinaires de mers, un corps militaire à l’origine destiné à garnir en troupes les vaisseaux du roi. En 1674, le ministre Jean-Baptiste Colbert fait de ces soldats une force coloniale permanente et leur donne le nom de troupes de la Marine, nom qui se transforme officiellement en compagnies franches de la Marine en 1690, lors de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1). C’est entre ces deux dates que les premières troupes de la Marine sont envoyées au Canada. Pourquoi?

En 1665, l’intervention du régiment de Carignan-Salière a porté la guerre au cœur du territoire iroquois, sans toutefois parvenir à anéantir leurs prétentions si bien que les hostilités reprennent dès 1683. C’est dans ce contexte qu’en novembre de la même année, trois compagnies de troupes de la Marine levées à la hâte par le sieur de Seigneulay, ministre de la Marine, sont envoyées au Canada à bord de la frégate La Tempête, totalisant 150 hommes, et six officiers (2). C’est un moment fondateur, car il s’agit de la première fois que des troupes sont envoyées au Canada pour y demeurer de façon permanente. D’autres compagnies viendront renforcer ces effectifs au fil du temps. Leur nombre fluctue au gré des conflits. Pendant la guerre de Sept Ans, on totalise environ 2 000 de ces soldats combattant en Amérique du Nord.

20190130_113745

Tableau tiré de l’ouvrage Les officiers des troupes de la Marine au Canada, 1683-1760, sous la direction de Marcel Fournier, Éditions Septentrion, 2017, p. 86.

L’organisation

Contrairement aux troupes métropolitaines, où plusieurs compagnies (environ 30 à 50 soldats) relèvent d’un même régiment (approximativement 500 hommes)*, ces compagnies sont indépendantes les unes des autres, d’où leur qualificatif de «franches». De même, alors que chaque régiment porte des couleurs qui les distinguent les uns des autres, les compagnies franches portent toutes des couleurs identiques, soit le gris-blanc* et le bleu. L’appellation «de la Marine», quant à elle, signifie que ces troupes sont sous l’autorité du ministère de la Marine, plutôt que celui de la Guerre comme les soldats réguliers (3).

Une autre différence significative: les promotions militaires au sein des compagnies franches de la Marine sont basées sur le mérite et les recommandations des officiers supérieurs, alors qu’il est d’usage d’acheter une charge militaire dans l’armée de terre. La solde est également différente, soit environ la moitié de celle d’un soldat régulier. Or, le soldat de la Marine bénéficie d’une journée de congé sur deux ou sur trois, dépendamment des époques, et peut donc offrir son travail aux colons contre rémunération. Au final, tout le monde y gagne.

cadet

Un «cadet de l’aiguillette» recevant les consignes d’un sergent des Compagnies franches de la Marine en Nouvelle-France, 1750-1755 Eugène Lelièpvre

Terminons en soulignant une autre particularité de ces compagnies sur leurs cousines métropolitaines: Chacune possède deux cadets à l’aiguillette, sorte d’officier en formation qui jouit des privilèges de ce statut sans en avoir le grade et que l’on distingue par une aiguillette de fil de soie blanc et bleu torsadé sur l’épaule droite, dont les extrémités sont ferrés en laiton. En théorie, ce statut lui assurait d’être promut officier à la prochaine occasion.

Cette organisation favorisa l’essor de la petite noblesse militaire canadienne en encourageant son enrôlement aux rangs des officiers, si bien que le nombre d’officiers d’origine canadienne passe du tiers en 1720, puis au deux tiers des effectifs totaux en 1750, des proportions qui révèlent un profond enracinement.

L’art du combat: une adaptation difficile

Les officiers qui arrivent d’Europe à la fin du 17e siècle constatent rapidement que ce qu’ils connaissent de l’art de la guerre n’a que peu d’utilité dans ce nouveau pays. En 1684, une petite armée de 1 200 soldats des compagnies franches, miliciens et amérindiens envoyés par le gouverneur La Barre marche tambour battant vers les villages iroquois. Ayant vu venir l’ennemi de loin, les amérindiens désertent le village, et l’armée française doit se retirer sans avoir combattu.

Trois ans plus tard, le gouverneur général Denonville renouvelle l’expérience avec 2 000 soldats, sans plus de résultat. Non seulement la menace iroquoise est demeurée intacte, mais le 5 août 1689, les Iroquois ripostent violemment en mettant à feu et à sang le village de Lachine, tout près de Montréal. Cet événement déclencheur va changer la manière de concevoir la guerre au Canada.

Montage. 1718

Planches originales. À gauche, un soldat des compagnies franches de la Marine en 1718. À droite, un sergent, que l’on remarque à son esponton (lance) ses galons jaunes sur les parements de manche.

Sous l’impulsion d’officiers tels que Charles Le Moyne et Joseph-François Hertel de Fresnière accompagnées de leur fils, on assimile les techniques militaires autochtones, qui consiste à tendre des embuscades aux ennemis, et les combinent au commandement et la discipline européenne. En 1686, un premier essai regroupant 30 soldats et 70 miliciens voyageurs prend totalement par surprise les Anglais de la baie d’Hudson, dont ils s’emparent des forts après une formidable expédition (6). En 1690, trois autres expéditions mènent au pillage des villages de Schenectady (New York), Portsmouth (Massachussetts) et Casco (Maine), après avoir traversé des centaines de kilomètres en pleine forêt. Dès lors, cette tactique devient la principale doctrine de guerre au Canada et le demeurera jusqu’à la Guerre de Sept Ans.

Les officiers des troupes de la Marine jouent une grande part dans le perfectionnement de ce qu’on appelle communément la « petite-guerre ». En plus d’avoir du succès contre les Anglais, cette méthode donne de bons résultats contre les villages iroquois, ce qui attire les respecte des autres Premières Nations, qui reconnaissent les capacités martiales des Français et recherchent leur protection. Les bénéfices de la guerre à l’amérindienne sont ainsi tant militaires que diplomatiques.

Ce n’est qu’au milieu du 18e siècle, avec l’envoi de vastes armées en Amérique, que la guerre à l’Européenne reprend sa préséance sur les champs de bataille. Les compagnies franches de la Marine exerceront alors leurs travail tant en petite guerre qu’en formation serrée dans des batailles rangées, c’est-à-dire en déchargeant des volées de balles le plus rapidement possibles vers l’ennemi, une tâche dont elles s’acquittent d’ailleurs avec honneur lors de la bataille de Sainte-Foy le 28 avril 1760 (7) .

montage. tir en rangs

Démonstration de la position des soldats français sur trois rangs pendant les étapes du tir en bataille rangée selon l’ordonnance du roi sur l’exercice de l’infanterie du 6 mai 1755, exécutée par le groupe de reconstitution La Garnison de Québec (Voir leur page Facebook en cliquant ici),

La «canadianisation» de l’équipement

Les avantages de ce costume pour se protéger des froidures de l’«Amérique Septentrionale» sont connus même en France. À tel point, qu’en 1692, le roi Louis XIV décide d’habiller les troupes françaises en garnison au Canada «à la manière des coureurs des bois», c’est-à-dire «à la Canadienne». – Francis Back, illustrateur historique

L’apprentissage de ces tactiques nouvelles, ajouté aux rudesses du territoire et des températures extrêmes, commande une adaptation vestimentaire. Comme il n’existe pas de réseau routier en Nouvelle-France avant 1735, les expéditions exigent des déplacements en canots. Le soldat s’emmitoufle donc dans des vêtements issus du métissage des modes amérindienne et canadienne, elle-même ayant largement puisé dans le monde de la marine pour s’acclimater.

IMG_5691

Soldats des compagnies franches de la Marine en habit d’hiver, vers 1755. Une reconstitution fort représentative, exécutée par le groupe de La Garnison de Québec. Visitez leur page Facebook en cliquant ici !

En Nouvelle-France, il est commun de remplacer le justaucorps par un capot, souvent de laine brune ou bleue. Il s’agit d’un manteau de laine non doublé, qui recouvre le corps grâce à de larges pans situés à l’avant, un capuchon, muni d’un seul bouton et porté ceinturé. On en distribue à certaines occasions aux miliciens et aux soldats au moment de la Guerre de Sept Ans. Les capots sont alors gris-blancs, avec les parements de manches larges aux couleurs du régiment. Sa coupe est inspirée du capot des gens de mer. Une illustration de la fin du 17e siècle montre d’ailleurs un canadien en raquette avec des manches ajustées à la matelote, un modèle pratique lorsqu’on doit voyager en canot. Il est populaire tant chez les soldats que les miliciens ou les troupes de la Marine, et se présente dans une multitude de variantes, court ou long, avec ou sans capuchon, au fil du temps (4).

{341fb0de-29dc-457d-88f8-59979590135d}.png

Deux soldats des troupes de la Marine vers 1690, dans deux habillements bien différents. À gauche un soldat, dans son uniforme tel que porté en garnison. Celui qui est à droite est équipé pour une campagne militaire hivernale. Ces reconstitutions fort représentatives sont exécutées par Les Mousquets du Roi. Visitez leur page Facebook, en cliquant ici. Photos par Yves Fournier et par Ed Read, éditée by Kenneth Grant.

Le soldat troque volontiers son chapeau à large rebord, peu pratique lors des expéditions en forêt, pour une tuque plus chaude. Généralement rouge ou écarlate, elle est elle aussi inspirée des habitudes vestimentaires des marins et des peuples côtiers de France (5). Les guêtres laissent généralement place à des mitasses, sorte de jambières portées par les amérindiens constitués d’une pièce de laine cousue le long de la jambe. On laisse dépasser de cette couture un rebord de trois ou quatre doigts de largeur, qu’on resserre avec un ruban servant de jarretière.

Comme les souliers de cuir empêchent l’utilisation des raquettes, si utiles pour les déplacements sur la neige, le soldat lui préfère le mocassin en cuir de chevreuil, qui résiste bien au gel, un autre article emprunté au costume amérindien. D’autres préféreront la botte sauvage, qui remonte sur le mollet pour empêcher la neige de pénétrer. Par gros temps, des grappins peuvent aussi être fixés sous les pieds pour une meilleure prise au sol.

Quant aux armes, les soldats se garnissent volontiers d’une hachette pour remplacer l’épée, communément appelée casse-tête ou tomahawk. Plus courte que l’épée, elle est aussi utile pour fendre le bois que le crâne d’un adversaire.

On est aux antipodes de la tenue et de l’armement des officiers sur un champs de bataille en Europe ou dans un vaisseau lors d’une bataille navale. – René Chartrand, Consultant et historien militaire.

Qu’en est-il de l’été? En saison estivale, l’adaptation canadienne demeure et le soldat des compagnies franches va souvent combattre en chemise ou en veste, portant le brayet au lieu de la culotte et conservant ses mitasses et ses mocassins ou souliers de bœufs. Au final, il n’y a que pendant les parades, les batailles importantes comme celles des Plaines d’Abraham ou de Sainte-Foy, et les périodes de casernement que le soldat porte son habit réglementaire en Nouvelle-France.

David contre Goliath

De 1683 à 1755, les troupes de la Marine puis les compagnies franches demeurent la seule force militaire permanente au Canada. Différentes des troupes régulières, elles s’acclimatent rapidement aux réalités américaines, en s’inspirant du métissage des savoir-faire canadiens et amérindiens et sert d’outil de promotion sociale en intégrant une proportion impressionnante d’officiers d’origine canadienne.

Cette adaptation extraordinaire permettra de tenir en respect les populations des 13 colonies, pourtant supérieures en nombre, pendant plus d’un demi-siècle, un phénomène tout à fait unique dans les annales de l’histoire militaire. Expédiés vers ce qui devait sembler être le bout du monde, les soldats de la Marine ont été à la dure école de la guerre en Amérique et incarnent, à bien des égards, une première armée canadienne.

Samuel Venière

Historien consultant

Bibliographie

  1. Bertrand Fonck, Introduction à l’histoire des troupes de la Marine, dans Les officiers des troupes de la Marine au Canada: 1683-1760, sous la direction de Marcel Fournier, Septentrion 2017, p. 25. Voir aussi Arnaud Balvay, Les hommes des troupes de la Marine en Nouvelle-France, disponible en ligne ici
  2. 1683 Arrivée des premières compagnies franches de la Marine, Site web Navires venus en Nouvelle-France: gens de mers des origines à la conquête.
  3. Claude Villeneuve, Historique des compagnies franches de la marine, tiré du manuel de la Garnison de Québec, Site web du groupe de reconstitution La Garnison de Québec.
  4. Suzanne Gousse, Justaucorps en surtout / Capot canadien / année 1755. Indications pour les divers vêtements. Patrons de couture de la « Fleur de Lyse », p. 5-6-7
  5. Francis Back, S’habiller à la canadienne, Érudit. Revue Cap-aux-Diamants. https://www.erudit.org/en/journals/cd/1991-n24-cd1041843/7756ac.pdf
  6. René Chartrand, Un regard sur ce qu’est un officier des troupes de la Marine au Canada par rapport à son confrère servant dans l’armée en France, dans Op. Cit. Marcel Fournier, p. 86.

* Les effectifs des compagnies, bataillons et régiments sont sujets à changement, au fil du temps. On retrouvera des régiments de 400 à 1 000 hommes en France, composés de un à quatre bataillons. Les Anglais formeront parfois des régiments de 800 hommes. Les chiffres présentés ici sont les effectifs des divisions militaires au Canada pendant la Guerre de Sept Ans.

_________________________________________________________________________________________

Licence Creative Commons

Ce(tte) oeuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage à l’Identique 3.0 non transposé.

Canac, dit Marquis: de la guenille à la soie

« Ultima Ratio Regnum »  (Le dernier argument des rois) Locution latine gravée sur la volée des canons français sous Louis XIV.

Gageons qu’après cette lecture, vous n’entrerez plus dans une quincaillerie Canac-Marquis-Grenier avec le même regard. Tous les gens de Québec connaissent aujourd’hui cet incontournable de la vente de matériaux de construction. Peu savent toutefois que l’ancêtre de cette famille prospère arriva au Canada sans le moindre sous en 1685, comme simple soldat. Son histoire est un des plus beaux exemples d’ascension sociale en Nouvelle-France.

Officier, Tambour, Soldat CFM 1685. Canadian Military History gateway

Officier, tambour et soldat des Compagnies franches de la Marine (1685-1700). À droite, le soldat porte le justaucorps gris-blanc à doublure bleue. Son chapeau est bordé d’un faux galon d’or (mélange de fil de laiton et de ficelle jaune). Il est armé d’un mousquet, d’une baïonnette et d’une épée. Bien souvent, ses vêtements et son équipement de campagne est tout ce qu’un soldat possède. Reconstitutions par Michel Pétard. Passerelle pour le patrimoine militaire canadien

Un destin peu prometteur: soldat dans les troupes coloniales

Le métier de soldat est peu enviable. Les privations sont nombreuses, les risques liés au métier des armes sont réels et la solde est bien maigre. En effet, le salaire des troupes coloniales se limite à 1,5 livres par mois, un véritable salaire de misère (1). Comparativement, les troupes régulières, qui combattent en Europe, obtiennent facilement le double! Pourquoi donc s’y engager? Parce que le soldat de la Marine bénéficie d’une journée de congé sur trois, environ, qu’il peut rentabiliser en travaillant pour les colons. Et puisque le soldat loge chez l’habitant, où cette main d’oeuvre est bien appréciée, tout le monde y trouve son intérêt. Au final, ce Nouveau Monde offre des possibilités intéressantes, en autant que l’on y consente quelques efforts.

Francis-Back-Artisans-en-train-de-construire1-530x440

Colonisateurs en Nouvelle-France, vers 1690. Francis Back

Cela semble suffisant pour Marc-Antoine Canac, né en 1661 à Lacaune, un petit village perdu dans le sud de la France,  qui s’engage dans les Compagnies franches de la Marine, en route vers le Canada en 1685 (2). De passage à Paris, un des terrains de chasse privilégiés des recruteurs militaires français, il intègre la Compagnie de François-Marie des Méloizes, enseigne sur les Vaisseaux du Roi et capitaine d’une troupe du détachement de la Marine, ces soldats spécialement formés pour défendre les colonies.

La famille des Méloizes deviendra tristement célèbre dans la colonie de Québec au 18e siècle quand Angélique Renaud d’Avènes des Méloizes, dite Madame de Péan ou encore « la Pompadour du Canada », causera de grands émois en devenant la maîtresse de l’Intendant Bigot, une union illicite pourtant acceptée par le mari cocufié, qui entend bien par là profiter des largesses de Bigot (3). Grand mal lui en prit, car lui et l’intendant seront accusés d’avoir accéléré la chute de la Nouvelle-France dans la triste « Affaire du Canada ». C’est sur cette affaire que la Couronne française s’appuiera pour justifier la dévaluation de la monnaie de carte. (4)

Carte dde Qc 1685

Québec, à l’arrivée de Marc-Antoine Canac. « Carte des Environs de Québec en la Nouvelle-France, mesuré sur le lieu très exactement, en 1685-86, par le Sieur de Villeneuve, Ingénieur du Roy »

Il est probable que Marc-Antoine Canac ait participé aux campagnes militaires victorieuses contre les Tsonontouans, en juillet 1687, expéditions dans lesquelles le capitaine Des Méloizes accompagne le gouverneur De Brisay. Il est également probable que notre homme ait participé à la défense de Québec contre William Phips en 1690 (son nom ne paraît pas dans « 1690, Sir William Phips devant Québec, histoire d’un siège » ouvrage dans lequel de nombreux noms de soldats sont cités). En réalité, nous n’en savons rien.

Carte des principales campagne en N-F

Carte des principales campagnes menées en Nouvelle-France et en Nouvelle-Angleterre. Passerelle pour l’histoire militaire canadienne, Gouvernement du Canada.

Toujours est-il que Canac fait si bien son travail là où il est logé, que sa « famille d’accueil » si l’on peut dire, décide de l’adopter officiellement un an à peine après son arrivée. Cet acte, passé devant le notaire Paul Vachon le 7 février 1686 et entériné dans les Registres de la Prévôté le 5 juin suivant, fait officiellement de Marc-Antoine Canac l’héritier légitime de tous leurs biens: une somme considérable (5). Ce coup du sort change complètement la donne de notre pauvre soldat, désormais propulsé à un rang très en vue.

Major de la milice de l’Île d’Orléans

À Canac va rapidement s’ajouter le nom de guerre, « Le Marquis », peut-être à cause de son tempérament. Ce soldat a de l’ambition, nous l’avons vu, et aussitôt après avoir acquis son nouveau titre de propriétaire terrien, va faire bénéficier les gens de sa paroisse de ses compétences martiales en intégrant la milice. Devenu capitaine de sa propre compagnie de milice, il passe à major-général de la milice de l’île d’Orléans au grand complet en 1718, soit environ six compagnies de 30 à 50 hommes chacune (6). Une petite armée en soi! Trente ans après son arrivée dans la colonie, il est devenu un incontournable pour tout ce qui concerne les opérations militaires en Nouvelle-France auxquelles participent activement la milice.

Comment notre homme acquiert-il le sobriquet de « Marquis »? Les capitaines de milice du temps de la Nouvelle-France sont souvent d’ex-militaires du Régiment de Carignan-Salières ou des Compagnies franches de la Marine. Ce sont des hommes de confiance, choisis par les membres de leur paroisse pour leurs compétences. L’expérience du feu donne à ces hommes une grande valeur parmi les miliciens. Par ailleurs, ces charges sont souvent réservées aux seigneurs des paroisses.

Traditionnellement, les officiers supérieurs se distinguent de leurs hommes par la qualité de leurs vêtements et Canac entend bien suivre cette voie. Son statut social lui permet de s’acheter de beaux ensembles: chose qui lui aurait été impensable autrefois. Il s’habille et se comporte avec prestance. C’est pour sa coquetterie que ses hommes commenceront à le surnommer « Le Marquis » (7). En 1733, alors qu’il est toujours Major-Général de la Milice de l’Île d’Orléans, il semble même qu’il prenne résidence à Québec, sans toutefois quitter son fief de l’Île. Parti de rien, comme ses hommes, Canac dit le Marquis est désormais un homme puissant, qui est véritablement passé de la guenille à la soie. 

Il faut savoir que les noms anciens occasionnent souvent un certain flottement dans les sources primaires de l’époque, même lorsque quelques jours seulement séparent ces documents. Ainsi, le chirurgien de l’Île d’Orléans en 1756, M. Mauvide, écrira « Antoine Marquis » pour décrire son patient, alors que le curé de la Paroisse écrira « Antoine Canac » pour parler de la même personne, alors que celui-ci expire son dernier souffle trois jours plus tard (8). Cela nous indique que les deux noms sont déjà courants. Toujours est-il qu’avec le temps, Canac dit le Marquis deviendra Canac-Marquis, le trait d’union remplaçant la particule.

Un patrimoine vivant

De générations en générations, la famille Canac-Marquis prospère. Au début du 20e siècle, ils sont des industriels, qui savent encore maintenir à flot la fortune familiale dont l’impulsion a débuté avec Marc-Antoine Canac, dit Le Marquis. En 1912, ils ont une manufacture de colle à Saint-Malo, ville de Québec, le fief inchangé de la famille depuis déjà plus de 200 ans.

Canac-Marquis Glue Manufacture. Archives Ville de Qc

La photographie représente une vue extérieure de la Fabrique Canac-Marquis, à Saint-Malo, Québec. Cette compagnie était un manufacturier de colle forte. Cette image est tirée du livre « Quebec, Canada, Issued by The Publicity Bureau » en page 52. Archives de la Ville de Québec

Le propriétaire de l’usine, Rodolphe Canac-Marquis, lui aussi désireux de montrer son rang social comme le fit son ancêtre autrefois pour mériter son sobriquet, se fait bâtir une luxueuse demeure sur la très sélecte Avenue des Braves en 1929.  Cette maison, dessinée par l’architecte Émiles-George Rousseau qui a fait d’autres très belles maisons du quartier, est toujours visible aujourd’hui, au 870 de la même rue (9).

Maison Canac-Marquis. Google Street

À cette époque, la famille touche déjà quelque peu à la ferronnerie et la fabrication de matériaux de construction, mais il faudra attendre 1981 et la fusion des deux entreprises familiales Jos Grenier fondée en 1875 et Louis Canac-Marquis fondée en 1878, pour donner naissance à l’établissement que nous connaissons aujourd’hui et son nom issu de l’alliance des deux familles: Canac-Marquis-Grenier (9).

 

Samuel Venière

Historien

_________________________________________________________________________________________

Sources:

  1. « État des vivres, habits et solde en l’année 1697 pour cent soldats de l’Acadie », Centre des archives d’outre-mer (France) vol. 113, Bibliothèque et Archives Canada [En ligne].
  2. La famille Canac-Marquis et familles alliées: dictionnaire généalogique, P.-V. Charland, Québec, 1918, p. 17
  3. RENAUD D’AVÈNES DES MÉLOIZES, ANGÉLIQUE, Dictionnaire biographique du Canada
  4. L’Affaire du Canada (1761-1763), André côté, article publié dans la revue Cap-aux-Diamants No. 83, Automne 2005.
  5. Op. cit. P.-V. Charland, p. 24
  6. Ibid., p. 25
  7. Des chemins et des Histoire, Denis Angers, Émission télédiffusée le 5 novembre 2017, sur MA Tv.
  8. Op. cit. P.-V. Charland, p. 26
  9. La Maison Canac-Marquis. Patrimoine urbain – Fiche d’un bâtiment patrimonial. Archives de la Ville de Québec
  10. Histoire – Les débuts de Canac-Marquis-Grenier, Site web de l’entreprise Canac-Marquis-Grenier, http://www.canac.ca/fr/a-propos-de-canac.aspx

_________________________________________________________________________________________

Licence Creative Commons
Ce(tte) oeuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage à l’Identique 3.0 non transposé.